Consolidons les relations Europe-Israël malgré les divergences

Le 20 mars 2018, le JCPA-CAPE de Jérusalem a tenu une discussion importante sur l’avenir des relations Israël-Europe. Dans le cadre d’un forum à huis clos, il a accueilli des experts stratégiques et des diplomates de plusieurs pays européens ainsi que l’ambassadeur de l’UE en Israël.

Pendant deux jours, nous avons tenté de comprendre quels étaient vraiment les malentendus. Pourquoi cette incompréhension à l’égard de la position d’Israël ? Pourquoi entendre à chaque occasion des leçons de morale, et parfois une certaine hostilité injustifiée et des condamnations automatiques contre un pays démocratique et allié comme l’est l’Etat d’Israël ? Comment expliquer cette soi-disant naïveté parmi les fonctionnaires de l’UE ? Pourquoi le double jeu et l’hypocrisie se poursuivent-ils quand il s’agit de la cause palestinienne? Et bien entendu sur d’autres et nombreux sujets brûlants et inquiétants tels que la lutte contre le terrorisme et l’intégration des migrants musulmans. Et enfin, comprendre pourquoi l’Europe mène toujours la politique de l’autruche et pense que l’accord nucléaire signé avec l’Iran à Vienne en juillet 2015 est en effet un bon accord et ne sera pas violé un jour par les Ayatollahs ?

A la fin des discussions la plupart des participants étaient d’avis que les divergences devenaient moins profondes, et qu’il existait tout de même une sincère compréhension et une véritable préoccupation pour la sécurité future de l’Etat d’Israël et son droit légitime à vivre en paix et en coexistence avec tous ses voisins.

Nous sommes donc arrivés à la conclusion préliminaire qu’il existe en Europe une différence fondamentale entre les positions des fonctionnaires de l’UE à Bruxelles et les dirigeants politiques, en particulier entre les discussions privées et informelles et les rencontres officielles.

Pourquoi donc les pays européens ne sont-ils pas assez courageux pour formuler une politique assez claire et transparente ? Pourquoi sont-ils timides et hypocrites surtout quand il s’agit de résoudre le problème palestinien et sur les Droits de l’homme. Pourquoi ont-ils peur d’avouer publiquement que l’Etat d’Israël est en effet un Etat Juif ? Pourquoi donc critiquer et condamner une loi fondamentale sur l’Etat-nation, récemment promulguée à la Knesset ? N’y a-t-il pas intervention directe dans nos affaires intérieures, et surtout un malentendu fondamental sur la nature du caractère juif, démocratique et unique de l’Etat d’Israël dans le monde ?

Le manque de compréhension dans le contexte palestinien et la confusion parmi les Européens qui pensent encore que le judaïsme est seulement une religion, et par conséquent que les Juifs n’ont aucun droit et aucun lien avec leur patrie nationale, est malheureusement véhiculé par certains pays d’Europe au sein de l’UNESCO et des organisations internationales.

Ils cèdent ainsi honteusement aux initiatives haineuses et sans fondement des Palestiniens.

Conférence sur l’avenir des relations Europe-Israël au JCPA-CAPE de Jérusalem, le 20 mars 2018

Depuis toujours, et aujourd’hui encore, au sein du ministère israélien des Affaires étrangères, des discussions intensives se tiennent régulièrement sur la formulation d’une politique claire à l’égard de l’Europe. Alors que la plupart des experts soulignent l’importance de renforcer les relations bilatérales, la tendance au sein des gouvernements est de se diriger plutôt vers les Etats-Unis. A juste titre, et il est vrai que les décisions importantes et cruciales sur la solution du conflit avec les Arabes sont prises à Washington et non à Paris ou Bruxelles. Et seuls les États-Unis, la plus forte puissance du monde, peuvent aider à résoudre le problème palestinien. Face à Europe affaiblie politiquement, les Etats-Unis sont en effet un véritable allié stratégique.

Cette analyse est correcte et justifiée sur le terrain, mais pas parfaite. Il est à noter que jusqu’au déclenchement de la guerre des Six Jours de 1967, les gouvernements israéliens ont préféré, pour diverses raisons, la consolidation des relations avec l’Europe au détriment des États-Unis qui avaient imposé injustement un embargo sur les exportations d’armes.

Il ne faut donc jamais oublier la contribution importante de la France à la sécurité d’Israël dans la fourniture d’armes modernes et la construction du réacteur nucléaire de Dimona, durant les premières et fragiles années de notre existence.

A la fin de la guerre et suite à l’administration des Territoires, la tendance qui était favorable à Israël depuis sa création a changé et empiré. Elle s’est transformée en une politique pro-arabe et parfois même hostile. Suite à la crise de l’énergie et après la guerre de Kippour, l’Europe a cédé au chantage des producteurs de pétrole en préférant abandonner Israël pour pouvoir obtenir des pétrodollars.

Au fil des ans, des changements et des événements au Moyen-Orient ont modifié la donne géopolitique et l’Union européenne est passée de 9 Etats à 27 avec une population qui représente plus de 500 millions de personnes. Israël peut-il ignorer cette évolution ? Nombreux sont les Israéliens qui demeurent sceptiques et affirment à chaque occasion que les Européens sont fondamentalement antisémites, et donc rien ne pourra changer dans nos relations avec eux.

Il est vrai que l’antisémitisme est toujours ancré dans certaines parties du Vieux continent et les activités du BDS démontrent un antisionisme flagrant, mais l’écrasante majorité et les leaders européens ne sont ni racistes ni antisémites.

Nous devrions réagir avec une realpolitik et observer tous les intérêts en cours avec discrétion et sans préjugés et préjudices. Certes, il est clair que le passé ne doit jamais être oublié ou gommé, mais nous devons aspirer à un avenir meilleur. Rappelons que nous avons obtenu des réparations de l’Allemagne et cette décision déchirante et sensible a été prise lourdement justement pour tourner la page et établir des relations diplomatiques fructueuses avec le pays qui a permis le nazisme et la Shoah. Ces relations sont jusqu’à présent bénéfiques.

Par conséquent, pour améliorer les relations avec l’Europe, nous devons procéder à une révision complète et pragmatique.

Tout d’abord, les pays classiques d’Europe occidentale, tels que la France, l’Espagne ou l’Italie, devraient être séparés des pays anciennement contrôlés par le bloc communiste. Les populations sont diverses et les mentalités et intérêts différents. Ils sont moins impliqués et ne s’intéressent pas beaucoup au conflit au Moyen-Orient, comme la France par exemple. Nos liens avec les pays d’Europe centrale et orientale, notamment la Hongrie, la Roumanie et la République tchèque, demeurent solides. Nos relations avec la Grèce, la Bulgarie et Chypre, également. Cela signifie qu’il existe une tendance positive au sein de plusieurs pays européens pour consolider leurs relations avec Israël. Cette évolution est importante et devrait être saluée.

Deuxièmement, une distinction claire doit être faite entre les dirigeants européens et tous les fonctionnaires qui siègent à Bruxelles. Il est inadmissible que la bureaucratie domine, et que des décisions décisives et importantes sur les affaires étrangères liées au Moyen-Orient et à la politique d’Israël, ne soient pas prises par des élus politiques.

Troisièmement, les relations diplomatiques bilatérales et multilatérales devraient être séparées, en particulier dans le processus de résolution du conflit israélo-arabe. On comprend aujourd’hui que la séparation est importante pour les deux parties. Il convient également de noter qu’Israël a des relations bilatérales et dans tous les domaines avec chaque pays. Avec certains d’entre eux plus proches et les relations amicales avec les autres sont moindres et peuvent être améliorées. Israël est aussi membre de l’ OCDE et il est signataire de nombreux accords dans tous les domaines et notamment du projet HORIZON 2020. Récemment, un bureau a été ouvert au siège de l’OTAN à Bruxelles.

L’Ambassadeur de l’UE en Israël, Emanuele Giaufret

Le peuple juif est lié à l’Europe depuis la nuit des temps, depuis les Empires d’Athènes et de Rome. Il a vécu en Europe avant même l’Inquisition et l’expulsion de l’Espagne. On ne pourra jamais gommer ce lien historique, ni notre présence géographique au sein du bassin méditerranéen. Nous partageons avec l’Europe des valeurs démocratiques et judéo-chrétiennes. Elles sont ancrées profondément dans notre Histoire commune et sont assez solides pour pouvoir surmonter les obstacles et les condamnations des extrémistes.

Sur la scène internationale, Israël possède également de nombreux atouts stratégiques importants qui peuvent contribuer à renforcer la coopération avec l’UE. Nos bonnes relations avec les États-Unis du président Trump et avec la Russie de Poutine nous placent en bonne position.

Désormais, des dossiers brûlants tels que la crise syrienne et la présence iranienne sur les hauteurs du Golan seront traités avec une meilleure compréhension devant les revendications sécuritaires de l’État juif.

Dans le contexte palestinien aussi nous pouvons trouver des solutions pragmatiques à condition de les coordonner avec tous les acteurs.

À la lumière de la nouvelle donne, il est indispensable de signer un protocole d’entente avec les pays européens. Un premier Memorandum qui nous permettra de gérer à bien l’avenir de nos relations. Il est aussi important de prendre des mesures concrètes pour supprimer tous les boycotts et toutes les tentatives d’imposer des sanctions. Nécessaire aussi d’empêcher l’UE de financer directement et indirectement des ONG et organisations hostiles, dont certaines soutiennent le terrorisme.

Grâce aux atouts stratégiques et aux valeurs communes, Israël et l’Europe peuvent consolider leurs relations dans tous les domaines et notamment agir de concert sur le plan humanitaire et économique pour améliorer la situation des Palestiniens et aider les pays africains en détresse. Un traitement commun à la source et sur le terrain empêchera une migration massive vers le continent européen.

Enfin, il faut agir ensemble dans le combat contre le terrorisme islamique. Rappelons les dernières informations précises transmises sur une tentative iranienne de perpétrer un attentat spectaculaire, ainsi que tous les autres avertissements des services israéliens, qui ont sauvé la vie de nombreux citoyens européens innocents. À cet égard, une reconnaissance publique et officielle de l’UE est toujours attendue.

En conclusion, nous pouvons affirmer sans aucun doute que les points communs avec les Européens sont plus nombreux et plus importants que les divergences existant surtout sur le plan régional.

Freddy Eytan

 


Pour citer cet article :

Freddy Eytan, « Consolidons les relations Europe-Israël malgré les divergences », Le CAPE de Jérusalem, publié le 30 juillet 2018 : https://jcpa-lecape.org/consolidons-les-relations-europe-israel-malgre-les-divergences/

Illustration : Le Premier ministre Benjamin Nétanyahou et la cheffe de la diplomatie européenne, Federica Mogherini (photo Kobi Gidon, GPO)

 

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