Analyse et logique diplomatique dans les tentatives de reconnaître le Hamas

wikipedia-haleviDes diplomates chevronnés  de différents pays, et notamment l’ancien ministre israélien des Affaires étrangères, Shlomo Ben Ami, on publié une lettre ouverte dans le Times de Londres. Ils précisent dans  leur message principal  que la paix avec les Palestiniens s’obtiendrait uniquement par un dialogue avec le Hamas. En analysant ces arguments, un à un, on découvre que les concepts ne répondent pas à l’épreuve de la réalité du Proche-Orient et que la politique  basée  sur l’approche de la « carotte »   renforcerait, au contraire,  le radicalisme palestinien.Argument 1 : “la dernière confrontation sanglante entre Israël et le Hamas nous a enseigné qu’une politique d’isolement du Hamas ne peut aboutir à la stabilité… et, par conséquent il faut impliquer le Hamas dans le processus diplomatique ».Ceux qui ont signé cette lettre ouverte sont parvenus à des conclusions fermes. Ils affirment que l’opération « plomb durci » a été un échec total et a démontré qu’Israël ne possède pas d’option militaire contre le Hamas et tous les autres moyens de pression sont voués à l’échec. En d’autres termes, l’organisation terroriste du Hamas qui est arrivée au pouvoir à Gaza par l’intermédiaire d’un coup militaire sanglant contre l’Autorité palestinienne estime être à l’abri de toutes sanctions éventuelles et détient la clé de la stabilité régionale. La démarche historique qui a permis au Hamas d’arriver au pouvoir, est  donc   irréversible.  Leur conclusion est encore plus intéressante. Puisque qu’il n’y a aucun moyen d’appliquer des sanctions au Hamas, à ces Palestiniens affiliés aux Frères Musulmans,  il est donc important d’impliquer un processus diplomatique ou en d’autres termes conférer un “prix” sous une forme de reconnaissance diplomatique.
Cependant comment expliqueront-ils  après coup que le Hamas persistera dans ses actes terroristes (tirs de roquettes, attaques, attentats et autres). Comment réagiront-ils, après que la politique recommandée par les signataires ait été adoptée et que l’Union européenne  ait reconnu le Hamas et a commencé à engager l’organisation à s’impliquer dans le processus diplomatique européen?
Comment faire pour dissuader le Hamas ? Les pressions exercées vont-elles apporter des fruits, cette fois-ci?  Croient-ils que le monde libre, qui prêche les valeurs démocratiques est des droits civils et du libéralisme, est voué à être entravé par une organisation terroriste palestinienne ?
En outre, le message qui véhicule par leur déclaration est que l’Occident ne peut influencer le Hamas que par des incitations positives (« la carotte ») et il manque d’outils efficaces pour les sanctions (« le bâton »). Ce concept peut être interprété par le Hamas comme une preuve décisive que le chemin du terrorisme  “marche bien” et il pourra donc réaliser son plan pour achever  la prise du pouvoir  de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie, et devenir ainsi le représentant unique et exclusif du peuple palestinien. Le résultat serait néfaste car  la reconnaissance du Hamas est faite  sans exiger un prix pour cette concession. La prise du pouvoir du Hamas en Cisjordanie contribuera à affaiblir la présidence de Mahmoud Abbas (Abou Mazen) et ouvrira la voie à la création d’un émirat islamique dans l’ensemble de la région de la Palestine.
Ainsi, le Djihad, la suppression des droits de l’Homme et la diffusion de l’Islam à travers le monde constitueront des pierres angulaires de la politique étrangère de l’Etat Hamas.Argument 2 : “Un accord de paix israélo-palestinien est impossible, sans le Hamas”.La logique derrière cette argumentation est plus douteuse. Le Hamas s’oppose au processus diplomatique et ses dirigeants réitèrent constamment, y compris ces derniers jours, que le  régime d’Abou Mazen est totalement dépourvu de légitimité et qu’ils ne consentiront jamais à reconnaître Israël. Si tel est l’état de la situation, que serait-il si aucune signification ne peut être attachée au processus de paix qui implique le Hamas qui nie le processus de son essence même, cherche son effondrement total et voit tout partenaire palestinien aux négociations comme un « traître »  et passible de la peine de mort.Argument 3 : « La mesure la plus importante pour le Hamas à prendre est de cesser les actes de violence comme condition préalable à son intégration dans le processus. »Cette approche est diamétralement opposée à l’approche soulignant les accords d’Oslo qui a été fondée sur la condition immuable imposée par Israël sur la « reconnaissance mutuelle » avant l’ouverture  de négociations diplomatiques officielles. Les soussignés à la prise de position qui sont fiers de leur expérience dans  les négociations de paix dans d’autres régions de conflit à travers le monde, sont prêts à renoncer à l’avance à la demande minimale la plus élémentaire du Hamas à reconnaître le droit légitime d’Israël d’exister et sont prêts à reconnaître le Hamas et l’impliquer dans le processus diplomatique en échange d’un simple cessez-le-feu. Traitons- nous d’une simple trêve? D’un cessez-le-feu temporaire ? Sera-t-il permanent ? Sera t-il appliqué sur tous les fronts ? Suivra-t-il l’interprétation israélienne ou l’interprétation du Hamas Sera-t-il  appliqué uniquement pour la bande de Gaza? Les « représailles » sont-elles justifiées? Les diplomates occidentaux demeurent  flous sur cette question sensible et ils ne donnent pas de réponse claire sur la réaction des Etats membres de l’Union européenne dans le cas où le Hamas ne sera pas capable de respecter un cessez-le-feu absolu.

Argument 4 : « La fin de l’isolement du Hamas et la réconciliation au sein du mouvement national palestinien est une condition nécessaire pour entamer des négociations avec Israël.

»

L’hypothèse latente derrière cet argument est fondamentalement ridicule. Hamas ne cache pas ses intentions de renverser Abou Mazen et l’Autorité palestinienne et d’obtenir un contrôle total dans tous les domaines de l’Autorité palestinienne. Il a tenté de mener à bien ce plan déjà en janvier 2009 mais a échoué en raison de l’opération « plomb durci ». La  date butoir a été reportée au mois de Janvier 2010, à la fin de mandat présidentiel. La reconnaissance du Hamas par l’Union européenne peut, avec un haut degré de probabilité, devenir le coup de grâce pour le régime d’Abou Mazen. Les signataires de la lettre croient-ils réellement  que l’alternative islamique incarnée par le Hamas  est préférable pour l’occident  à celle du rôle joué par Abou Mazen?Argument 5 : « L’isolement ne fait que renforcer les extrémistes et  leur intransigeance politique. La participation des  forces modérées et leur capacité d’accepter un compromis difficile est nécessaire pour la paix ».

La participation du Hamas dans le processus diplomatique renforcera les « modérés ». Vraiment? Qui sont-ils? Ils se sont abstenus de définir à qui ils se réfèrent lorsqu’ils emploient le terme de « modérés ». Compte tenu de l’hypothèse selon laquelle ils estiment que le Fatah est modéré ainsi que l’Autorité Palestinienne d’Abou Mazen, il est plausible de supposer qu’ils se réfèrent à des « modérés » qui appartiennent à la classe du Hamas et du djihad islamique. Si c’est ainsi, pourquoi  sont-ils si prudents sur l’identification de ces personnes  modérées et ne prononcent pas leur nom ? Y a-t-il réellement des personnes modérées au sein du Hamas et dans les rangs du djihad islamique?  Y a-t-il des modérés qui s’opposent à l’idéologie islamique? Sont-ils prêts à contourner les dirigeants du Hamas et à approuver ouvertement la reconnaissance d’Israël et signer  un accord de paix ?